#538



mon blog un ramassis de déchets recyclables. L’écriture fait de mes détritus d’homme sans histoire un personnage dans la foule. Chaque minute est une identité à renouveler. Mon visage est un mouvement de visage, les traits d’un caractère filant dans l’espace comme une étoile dans le ciel, laissant derrière elle la trace de sa lumière. Je suis l’allure éphémère d’un vêtement tout juste aperçu, sans couleur certaine. Je suis celui ou celle qui passe et te bouscule sans s’excuser. Dans la rue, l’autre est là, le nón lá épuisé sur la tête. J’ai beau scander son nom en moi, sa silhouette anonyme ne se retourne pas. Plus je l’appelle, plus elle s’éloigne. Sa bicyclette disparaît au coin de la rue. Hors de ma vue, elle n’existe plus que dans l’oubli. Ainsi l’écriture devient sujet d’une scène de quelques minutes, saisi par le regard. Je ne regarde pas les gens vivre. Seulement bouger. Je ne retiens que leurs postures, leurs gestes, leurs airs. De leurs paroles ne reste que les voix, les tons, ceux d’une discussion en bruit de fond dont j’ignore tout. J’entends le monde parler sans comprendre sa langue. Je suis enfin débarrassé du sens des mots. Tous m’arrivent à l’oreille comme un nouveau né. J’écris dans leurs sonorités, leurs tons, leurs débits. Ma voix intérieure ne couvre pas le bourdonnement continu de la ville. Elle se mêle à lui, devenant ainsi une onde parmi d’autres. Je reste là, sur ces chaises où s’assoit la fatigue, durant les heures ouvertes sur rien, tel l’horizon dans la nuit noire.

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