#463


je suis ton seul proche, je suis la dernière voix que tu côtoieras, je suis ton seul et unique lecteur, je suis l'adresse que tu ignores, ton trou à rat, ta cage à oiseau en plein centre ville, ton refuge d'âme fugitive, qui boit un thé en attendant l'orage

Tu doutes d'avoir écrit hier, mais ce que tu crois vierge bouillonne de mots, 
ce que tu crois blanc réveille la parole d'un lieu en toi
le lieu d'un cri imaginaire 
le lieu d'un crime de nerfs à écrire

à ėcrire avec quoi ? à écrire avec le corps, les nerfs, le sang, la chair, ma rage de taire, mes tremblements, mes chuchotements, mes dents, ma bouche, mon rire, ma boucherie, écrire du dedans, avec l'innocence d''un enfant qui ment, écrire du sentiment d'être sans sentiment.

Parfois, entre deux phrases écrites, je me suprends à m'encourager à voix haute, je me dis "c'est bien, continue, lutte!" Parce qu'en dėplaçant un pronom, un mot, une virgule, je résous une énigme d'écriture, une équation de phrases à résoudre, ce que je cherche à dire est oublié par l'écriture, c'est l'écriture qui révèle quelque-chose de précieux, un bout d'intimité dont j'ignorais l'existence en moi... 

il y en toi quelqu'un qui subit ce qui te passe dessus. Il cherche à se faire entendre derrière toi. Fais silence, qu'il se prononce ! laisse-lui le temps de lutter et échouer, laisse-lui la place de vivre et de mourir. Il ne te révélera pas seulement un petit bout d'intimité. Mais la part masquée d'une identité à la fois reconnue et ignorée : celle des mots

des mots sous la pluie qui tombe
cette pluie qui tombe en trombre et recouvre le bruit de la ville


cette pluie qui fait que la voix renonce, parce que même la voix veut écouter la pluie.


Commentaires

Claude Enuset a dit…
Si même la voix veut écouter la pluie...
C'est parfois trombe de mots que l'écriture qui bouillonne à voix basse.
Superbe texte.