#215



Au loin l'orage commence à gronder. Le couinement d'un chien remonte à ma fenêtre ouverte sur la ville. Je le regarde s'agiter puis discrètement s'éloigner feignant d'ignorer l'appel de son nom sachant pertinemment qu'il est déjà l'heure pour lui de passer la nuit enfermé sur la terrasse grillagée de sa maison. Il semble craindre l'orage s'apprêtant à éclater. Sa maîtresse si fatiguée de l'appeler en vain se saisit d'un bâton et tape trois coups sur le sol carrelé. Ce seul bruit suffit à faire rentrer à contre cœur le chien comme s'il redoutait la douleur de coups gardés en mémoire. Il finit par se résigner et entre enfin dans sa cage, dans un état de détresse tel qu'il ne peut s'empêcher de sauter, d'aboyer, de gratter le grillage comme si sa vie en dépendait, suppliant sa maîtresse de le laisser dormir à l'intèrieur. Mais elle ne prête pas attention à ce qu'elle considère comme un caprice et sans même se retourner, cadenasse la porte grillagée avant de se coucher aux côtés des ronflements de son mari. Alors comme un enfant hurle sa peur du noir à ses parents, le chien se met à quémander en couinant la pitié de ses maîtres probablement déjà endormis. Le ciel gronde, lui aboie de plus belle.


C'est l'heure d'écrire, l'heure du besoin de silence. J'ouvre mon carnet mais les aboiements sont trop forts. Je m'imagine descendre lui jeter un bout de viande empoisonné ou même le battre à mort pour enfin avoir la paix. Je n'ai pas honte d'une telle pensée car à la minute où je m'apprête à écrire, le monde se doit de tourner en mon sens, de répondre à toutes mes exigences. J'estime avoir tous les droits pour un peu de calme, même celui d'aller tuer de sang froid cette pauvre bête...
Soudain je me souviens que mon signe astrologique est celui du chien. Peut-être que le bruit que je reproche à celui d'en face est le mien, le bruit de ma tête qui jamais n'arrive à s'apaiser, qui ne cesse d'aboyer après l'intrus que je suis devenu.






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