#544


je suis un type arrêté dans une ville qui ne s’arrête jamais. Je suis une table, l’iPad et un thé. Un présent qui passe, qui fuit, porte ouverte sur la rue, jet d'écriture rédigé publié, jeté dans les nuits comme à la mer des adresses, une en particulier, celle du l’autre anonyme, l’autre intime inconnu que j’ai appris à apprivoiser, comme un renard, oui à force d’écrire, j’apprivoise la bête qu’est l’idée que je me fais de moi, je ne peux nier ma présence, aussi insolite soit-elle, plantée là devant moi, longiligne, en robe de soirée chemise cravate ou bleu de travail, sous le casque de moto, la casquette, le nón lá, j’aperçois toujours son visage. Parfois j’interromps la discussion et demande : «— vous voyez le type là-bas ?» Personne ne le voit. Je montre du doigt. Rien y fait. Personne ne le voit si ce n’est moi-même. Suis-je en train de délirer ? les cinq personnes autour de moi commencent à mettre en doute ma raison. Ainsi je prends en photo, zoom sur la silhouette. Les cinq interloqués s’écrient : «— comment tu vois ça d’ici ? » Il suffit de ne plus vous écouter bavarder. Regard perdu dans le vide, mon attention s’engouffre dans les failles qu’ouvre une perspective, un petit cadre au coeur de tous les autres. Le trouble pixélisé dessine les contours vagues d'un personnage soudain dans l’objectif. Immobile je me glisse un instant dans les plis de la ville. Mon pas résonne dans les couloirs, son écho traverse les salles vides, dans les escaliers où passe furtivement ton allure de personnage.


l’absent est à sa place n'importe où





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