#546
je surprends une transaction, ils semblent intimes… sexuellement ? elle lui passe quelque-chose. J’ignore ce que c’est
j’ignore encore quel est le sujet de la photo : la façade, les personnages en arrière plan, l’arbre, la couleur grise de la rue aux dernières heures du jour ? ou lui, l’homme au polo noir l’amant. C’est lui le sujet maintenant. C’est lui qui m’obsède, c’est lui que je suis au geste près comme à la lettre la phrase qui apparait là, sur la page, sous mes yeux, juste au dessus du clavier tactile. À mesure que tu les lis, elles s’écrivent, digressent et se focalisent sur une silhouette dans le plan. C’est donc lui que mon objectif regarde
c’est donc lui, certes, mais lui qui est-ce ? «qui » c’est encore trop dire ! Rectifions : lui qu’est-ce ? Son visage de profil ? Sa posture bien vissée dans le cadre ? son regard dans le vide, qui écoute encore le livre qu’il vient de quitter des yeux, ses lèvres bougent, elles chuchotent une phrase du livre. Serait-il en train de l’apprendre par cœur ?
parce-que oui, c’est un livre qu’il tient dans les mains, un livre minuscule. On dirait un carnet de notes. J’arrive à distinguer ses caractères sur la page aperçue juste au dessus de son épaule, dans son dos, derrière la vitre qui nous sépare. Elles ne sont pas manuscrites. Si ce n’est pas un carnet alors qu’est-ce : un dictionnaire de poche ? une méthode de langue étrangère ?
des clients du café arrivent en mob’. Il se précipite pour les accueillir, laissant le livre fermé là, posé sur sa chaise désormais vide. J’aperçois sa couverture jaune plissée d’être chaque jour glissée dans la poche arrière du jean qui revient. En effet, l’homme se rassoit, ouvre à nouveau le livre, reprend sa parole là où il l’avait laissée. Il lit une vingtaine de secondes de plus puis il le ferme subitement. Les doigts sur la couverture, il relève la tête et dit quelque-chose à voix haute, ou bien à voix basse, je ne peux pas entendre d’ici, la musique du café est trop forte. Pas besoin d’entendre sa voix. Je le vois réciter une phrase dans le vide de la rue, devenant ainsi, durant un instant de sa journée, la parole du livre lu, du livre vu à son insu par celui entrain d’écrire l’homme qui le tient dans ses mains. Elles lâchent le livre et se joignent devant son visage. Il ferme les yeux et s’incline
Il s’en va quelque-part, avec le livre, la chaise est à nouveau vide. Je tourne la tête à droite, devine un nouveau visage, dans un cadre du cadre, celui d’un homme coiffé d’un chapeau. Il vend des tickets de loto. C’est un handicapé. Devant lui deux serveurs choisissent rigoureusement les numéros peut-être gagnants ce soir. L’histoire ne m’attire pas plus que ça, l’homme au livre a épuisé toute mon attention, il ne m’en reste plus pour autre chose.
malgré tout je tourne la tête à gauche, curieux du lieu où mon regard errant mènera l’écriture. Je tombe sur le reflet d’une salle vide... celle où j’écris ses lignes ? Je cherche ma silhouette sans la trouver.
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