#541


coincé 2 heures dans l’traffic, l'type au volant de sa Lambo jalouse derrière son pare-brise ma Honda Dream qui se faufile, facile, fluide elle slalome parmi ses semblables mécaniques, flux de phares filants, pot d'échappement pétaradant, bourdonnement continu du moteur chevauché sur lequel nous sommes, moi et mon chauffeur. Nous discutons une petite demi-heure, des phrases ci et là, entrecoupées de silences, de blancs couverts par le brouhahas ambiant. Puis il me pose quelques questions, je réponds à l’interrogatoire, j'dis d’où je viens, du pourquoi j'parle un peu vietnamien, chaque trajet la même discussion, la même identité à présenter, les mêmes phrases répétées, sur le même ton, quelque-soit le chauffeur, je me présente brièvement, résumé biographique absurde, synopsis du film que les faits font de moi. Fatigué de parler je l’interroge à mon tour : de quel quartier tu viens ? es-tu marié ? Et ses réponses ne me renseigne pas plus sur sa personne. Un pays d’origine, un nom, un âge, une situation familiale, ne dit rien de décisif de l’être au fond, au fin fond de soi. On bavarde dans le vide de notre rencontre. Nous nous tenons compagnie, compagnie à durée déterminée, le temps d’un trajet, un nombre de kilomètres calculés, toujours le même prix. à 2000 dôngs près, aujourd'hui l'écran du smartphone affiche 43 000, je tends les billets. Je dis «courage» et pars. Dans l'ascenceur, l'apllication me propose de noter sa présence, de un à cinq étoiles. Je suis dans l'embarras. Pourquoi ? Parce-qu'il est embarassant de noter la compagnie d'un être. Grab a bike, certes. But grab someone as well. Derrière chaque gilet vert, un visage à peine aperçu, puisque nous regardons tous deux dans la même direction, droit devant, moi sur le siège arrière, lui dans le retroviseur, traversant la ville comme un courant d'air.

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