#389


... d'où vient-il ?

La ville doute en voyant son visage. Les traits sont indistincts, étrangement familiers tels ceux croisés dans un rêve confus dont on se souvient mal. Il n'est pas d'ici. Ne semble pas d'ailleurs non plus.

La ville lui pose une question, question quelconque, prétexte pour savoir, sans avoir à demander directement, s'il parle la langue. Il répond clairement. Elle feint de ne pas l'avoir entendu. Il répète. Et la ville comprend à nouveau sans comprendre d'où son accent vient, de quelle région inconnue d'elle. Ce n'est ni des intonations du nord, ni du centre, ni du sud.  

... d'où vient-il ?

Il parle et la ville entend sa propre langue comme jamais auparavant. N'importe quelle banalité devient dans sa bouche si singulière. Et dans les yeux de ceux ayant échangé de brèves paroles avec lui — serveurs, chauffeurs de taxi, xe ôm, fleuristes, masseuses, vendeurs de soupes, de viandes grillées, de cigarettes... — toujours cette question jamais posée : 

... d'où vient-il ? 

Sans réponse, la ville se met à douter d'elle-même... 






Commentaires

Aunrys a dit…
Et la poésie
avant même que l'esprit qui l'entend
ne pénètre le mot (à moins que ce ne soit le contraire)
naît d'une légère distorsion de la ligne
et de cette interrogation qu'elle suscite
(bien sur, te concernant, elle va bien au-delà (sourire)²)