#395


Il cherche toujours des lieux vides où se réfugier du regard de la ville, des affaires des hommes, de la chaleur aussi, si éprouvante, à rendre folles les âmes les plus calmes, à réveiller en sursaut les colères les plus silencieuses. Même lui d'habitude si discret peste à voix haute, l'air excédé sous les coulées de sueur lui brûlant les yeux, il soupire, grogne des insultes en une langue que lui-même ne comprend pas. À qui s'adresse-t-il ? Aux passants, au ciel, aux arbres, au bitume, à la ville entière qui étouffe de curiosité son désir de passer inaperçu...

Alors il entrouvre au hasard la porte d'un salon de thé, jette furtivement un oeil dans la salle, s'assure du peu de monde. Aujourd'hui personne, seul l'ennui de deux serveuses affalées sur un canapé. Elles se lèvent aussitôt à sa vue, quelque peu surprises par l'origine incertaine de son visage, ne sachant pas par quelle langue l'aborder. Lui ne dit même pas bonjour, commande une 333 fraîche, en anglais cette fois-ci, afin de ne pas éveiller de nouveaux soupçons. Il joue à l'étranger, au touriste infect... et le devient, pour quelques minutes seulement. Puis la colère retombe une fois le corps refroidi à l'air climatisé. Il restera quelques heures ici, en compagnie des chaises vides, immobile, à chuter dans l'horizon intérieur qui le hante...





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