#343


Vers le fantastique  atelier proposé par François Bon

#2 marcher dans la maison vide (version 2)


Le portail en bois immense, lourd comme un secret. Sentiment désagréable d'être mis en demeure de rentrer. Je prends de l'élan, rentre dedans l'épaule en avant tel un taureau traînant derrière lui un martyr. À peine le temps de passer qu'il se referme violemment derrière moi dans un bruit sourd. J'ai froid. Ça ressemble à une grotte au beau milieu de la ville. Peut-être une salle d'attente. Lieu sombre et sans secours où mon nom semble condamné aux oubliettes. Sûr qu'ici personne ne m'entendra. Derrière l'église sonne le glas. La voix de Dieu est terrifiante. Ça sent la pierre. Jusqu'à l'asphyxie. À chaque pas les craquements du vieux plancher. De faibles rayons de soleil traversent les volets, transpercent l'obscurité poussiéreuse. La lumière rappelle qu'il existe un monde dehors, un monde dont ce lieu clos semble exclu. Ici le jour se fait discret. Les volets sont clos. Il me faudrait une torche en flammes pour explorer le noir de la pièce. Je n'ai qu'un briquet. La flamme à la main, je découvre une dizaine de statues alignées sur la cheminée comme une armée de regards prêts à m'envahir, deux masques accrochés aux murs; eux aussi me suivent du regard, d'un regard noir comme un couloir dans la nuit. L'un grimace d'ironie, l'autre de tristesse. Plus loin la photo d'un homme barbu à deux âges différents me fait face, l'air aussi austère que pénétrant. Dessous un vieux divan défoncé. On peut encore apercevoir la silhouette et les postures de ceux qui un jour, une nuit, s'y sont allongés pour ne rien dire, pleurer, faire la sieste et rêver. Une autre porte ouverte où s'enfoncer plus loin dans le noir. Sur le sol un grand drap sale comme une nappe de fin de repas. Des flacons d'essence de térébenthine et d'huile d'oeillette renversés, une palette sèche et des toiles, partout, entassées. Certaines sont déchirées. Toutes sont le portrait d'une seule et même personne. Ici quelqu'un s'est lavé les mains d'un soupçon. Le lavabo s'en souvient encore. La vasque blanche est imprégnée de pourpre. Est-ce de la peinture ou du sang ? 




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