#509
Je marche. Dans chaque retroviseur croisé du regard mon visage se renouvelle... toujours plus étranger. Sous une averse inattendue je marche. La bouche sèche je marche sans eau jusqu’au malaise. Malgré les tremblements je n’ai pu me résoudre à m’arrêter. Je marche à la merci du courant, parce que la dérive posséde mon corps et ma pensée, tous deux sous le règne de son pouvoir d’indécision.
Au bout de l’épuisement, j’ai finalement atterri sur une branche de ciment. Je baisse les yeux sur la ville, en compagnie d’un thé rouge médiocre. Il ne pleut déjà plus. L’air est frais. Une jeune femme assise de l’autre côté de la vitre lit un livre, écrit, puis dessine la ville dans un carnet, croquis interrompu par des messages sur le téléphone. Elle a un beau visage. J’aurai aimé lui adresser la parole. Savoir quelle place occupe cette activité dans sa vie. Je me plais à penser qu’il suffirait qu’on s’adresse la parole pour découvrir notre ressemblance. Je ne suis pas dupe et sais à quel point c’est faux. Alors je préfère rester silencieux et ne pas détruire ce que je suppose de nos yeux qui s'évitent, nos sourires esquissés qui détournent la tête. Nous restons ainsi, séparés par une vitre, elle à l’intérieur, moi sur le balcon. Entre nous le soupçon d’une accointance possible.
Elle s’en va. Je regarde la nuit tomber sur moi. Mon reflet disparaît dans la vitre. Je deviens l’ombre de mon double. Ma vue tombe avec le soleil. Je ferme les yeux et la ville est plongée dans l’obscurité. Ciel noir, façades noires, silhouettes noires marchant à tâtons sur les trottoirs noirs, lampadaires et phares éteints, plus que le cri des hommes sans lumière.
Commentaires
Curieusement/naturellement cette transparence omni-présente renvoi [une absence et] le lecteur à sa propre image ... à moins que ce ne soit encore un tour que nous jouent en complices le temps et la lumière.