#475



Je viens d'effleurer une fourmi avec le bout de ma cigarette. Elle n'est pas encore morte mais lutte déjà pour se déplacer. Ce geste n'était ni involontaire, ni volontaire. Juste un reste d'enfance qui torture les insectes. Je prends en photo la brûlée. Elle se glisse dans la rainure de la table. Comme pour se cacher, mourir dignement, seule, à l'abri de mon regard morbide. Dans le quotidien le plus vide qui soit, dans le silence de ces gestes inaperçus, se terre l'homme que je suis. Je relève la tête après avoir écrit ces quelques phrases. La fourmi n'est toujours pas morte. Je m'apprête à l'achever de l'index. Comme on tape un point sur le clavier.

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    ainsi le ciel est une fiction aussi ?




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Je suis sec comme une mer fictive. J'ai parlé en quelques semaines à plus de personnes qu'en deux années de vie. quelque soit la parole de l'autre, son visage, je le regarde et l'écoute attentivement. Je force ces quelques phrases. Parce-que plus rien écrit quand je suis sobre. la mer en moi s'évapore. L'Immobilité ne sert à rien. la patience ressemble à une prison sans limite. La ville passe devant moi, son réservoir de fiction vide, elle avance, les mains sur le guidon, un pied sur la mob', l'autre par terre, elle attend au feu rouge, le regard devant elle. Le jour se lève. La nuit tombe. Il pleut ou pas. Les secondes passent comme un nuage. Mon regard à travers la vitre est un soupir. Je ne lutte même plus. Un thé vert aux fleurs de pamplemousse m'accompagne. C'est une très vieille femme qui l'a planté, chez elle, dans une campagne du nord. Je ne me sens plus multiple, je suis seul et sans solitude. Je ne prends même plus de photo. Ce n'est pas le monde qui me lasse, mais mon regard sur lui. Il est temps de se taire. Ralentir l'écriture. Laisser macérer son désir de parler. Interrompre la conversation avec soi. Reprendre celle avec les autres. 


    le temps et le thé.


Commentaires

Brigetoun a dit…
ne veux y croire
Marlen Sauvage a dit…
ces gestes que l'on fait ou pas, qu'il suffit parfois juste d'imaginer pour retrouver la cruauté de l'enfance en soi, le temps où l'on arrachait leurs pattes aux araignées…