... souviens toi ces nuages qui volent et sans cesse reviennent du pied du ciel là bas sous la pluie éparse fine regarde la route maintenant une dernière fois demain s'en va et un bouquet d'herbes et sa fleur fanée salissent et verdissent la chemise depuis longtemps décousue
ainsi l'histoire d'une vie emportée avec les vents à l'horizon
Je suis #... etc Je suis #... etc Je suis #... etc Je suis #... etc Je suis #... etc
Je suis #lemondeapatride
Comment lire ceci sans mettre à l'abri... l'abri de son engagement singulier total sans concession de l'instant... avec ses limites, ses insuffisances ?
Nous allons tout droit dans le mur de nos vérités, de notre désastre.
Au secours J'ai cru monter au ciel Comme une Sainte Sans rire et la vie referme sur moi son couvercle de plomb Certains jours il m'aidait: "Chère et pauvre âme perdue" D'autres il me voulait... Comme un gant dans la main et nous roulions sans fin C'était vaste et profond comme la mer trouble et fangeux
Fragments page 148 écrits de LAURE édition Pauvert
Dieu serait il un homme pour qui la mort, ou plutôt la réflexion sur la mort, serait un amusement prodigieux? Manière de parler bien incorrecte? Sans doute. Manière de rire, plutôt. Mais le rire et la parole (j'entends la parole qui, sans piège, ne se dérobe pas devant les conséquences de la parole) ne pourraient-ils pas, à la fin, s'accorder?
Georges Bataille LE COUPABLE Fragments retrouvés sur Laure page 288
Oui quelques phares isolés de la pensée parlent dans l'éternité
Ces mains bonnes à tout même à tenir des armes
Dans ces rues que les hommes ont tracées pour ton bien
Ces rivages perdus vers lesquels tu t´acharnes
Où tu veux aborder
Et pour t´en empêcher
Les mains de l´oppression
Regarde-la gémir sur la gueule des gens
Avec les yeux fardés d´horaires et de rêves
Regarde-là se taire aux gorges du printemps
Avec les mains trahies par la faim qui se lève
Ces yeux qui te regardent et la nuit et le jour
Et que l´on dit braqués sur les chiffres et la haine
Ces choses "défendues" vers lesquelles tu te traînes
Et qui seront à toi
Lorsque tu fermeras
Les yeux de l´oppression
Regarde-la pointer son sourire indécent
Sur la censure apprise et qui va à la messe
Regarde-la jouir dans ce jouet d´enfant
Et qui tue des fantômes en perdant ta jeunesse
Ces lois qui t´embarrassent au point de les nier
Dans les couloirs glacés de la nuit conseillère
Et l´Amour qui se lève à l´Université
Et qui t´envahira
Lorsque tu casseras
Les lois de l´oppression
Regarde-la flâner dans l´œil de tes copains
Sous le couvert joyeux de soleils fraternels
Regarde-la glisser peu à peu dans leurs mains
Qui formeront des poings
Dès qu´ils auront atteint
L´âge de l´oppression
Ces yeux qui te regardent et la nuit et le jour
Et que l´on dit braqués sur les chiffres et la haine
Ces choses "défendues" vers lesquelles tu te traînes
Et qui seront à toi
Lorsque tu fermeras
Les yeux de l´oppression
J'attends dans le silence une voix. Mais elle est déjà loin. Ça fait des mois qu'elle ne vient plus me rencontrer. Il n'y a pas si longtemps, elle recouvrait les voix alentours, peu importe où je me trouvais. Même en plein milieu de la foule, j'étais seul avec elle. Plus personne autour de moi n'existait. À présent je ne peux me résoudre à poser le moindre mot. J'ai besoin d'affronter une voix pour écrire. Mais je n'entends plus rien. La guerre en moi est terminée. Le champ de bataille est calme, froid. La paix qui règne est terrifiante. Ne reste que la fumée d'une lutte, celle de toutes ces nuits affrontées. Le jour se lève. Je cherche le cadavre de la voix morte. Elle n'a laissé derrière elle aucun corps, aucune phrase, pas une trace. Le livre est clos. La page est tournée.
Le bruit du monde refait surface. Il me harcèle, m'asphyxie. Pas une seconde où mettre ma pensée à l'abri. Ça parle dans toutes les langues et dans tous les sens, en groupe, face à face, au téléphone, ça hurle, commande des cafés, des verres de blanc, des jus, des parts de tartes... en fond l'enfer d'une "musique" qui n'est que pur mépris du silence. Derrière les fenêtres, l'incessant grondement des moteurs, les conversations des klaxons. Au mur des photos de Saigon d'il y a un demi siècle. Tout y semble si calme, le calme d'un pays en guerre...
Je ne me résigne pas pour autant. Je fixe l'écran de ma page blanche, cherche une faille où quelques phrases pourraient s'échapper. J'ouvre les yeux. Je ne les avais pas ouverts depuis si longtemps. Le réveil est brutal. La lumière aveuglante. Ici le sang n'est plus de l'encre, la mort n'est plus un mot. Les voix abattues laissent derrière elle leurs corps, leurs noms... Derrière mon écran, je suis et je ne suis pas, descends et ne descends pas dans la rue marcher avec mes semblables, autant d'autres Je en qui je me reconnais, malgré tout ce qui nous sépare, fraternité d'un instant, l'instant d'une minute de silence... toujours trop brève.
Puis les paroles se relâchent à nouveau, aussi dignes qu'obscènes, elles se disputent sur les cadavres encore chauds le sacré, la raison, la morale, la vérité... Le monde tourne sur lui-même. Le désastre continue de faire la une. Ou pas. Je m'indigne un jour. Ne m'indigne plus un autre. Impuissant, seul devant mon écran. L'élan fraternel ne peut s'arrêter aux frontières de ma rue, de ma ville, de ma patrie... et même de mes idées. Je suis ET ne suis pas ce Je. Je ne peux pas extraire ma seule singularité du relent nauséabond des bas-fonds humains car je ne peux la soustraire de l'unanimité de cette espèce humaine dont je fais partie. J'oublie que mes mots sont à la fois mon sang et mon encre. Je suis leur victime et leur ennemi. Je suis le frère d'un héros, d'un monstre aussi...
... je marche sur une plage. J'aperçois dans un trou mon père tenant comme un bébé sa vieille mère dans ses bras. On dirait qu'il la berce. Peut-être est elle déjà morte. Il la regarde avec gravité. Je prends une pelle pour les ensevelir. Malgré le sable qui leur tombe dessus, ils restent là, immobiles comme des statues...
Je ne peux pas extraire ma seule singularité soi-disant du relent nauséabond des bas-fonds humains car je ne peux la soustraire de l'unanimité de cette espèce humaine dont je fais partie.
Si tu es un oiseau Rien d'autre qu'un oiseau Au moment où le vent se lève Tu t'envoles Écarquillant ton œil tout rond Tu regardes dans l'obscurité ce sacré bas monde Au-delà du marais des ennuis En vol de nuit, sans but précis À l'écoute du sifflement de l'air et le cœur battant Quelle aisance dans l'errance Tu tournes en un cercle ou vas tout droit, libre de choix Sans obligation de revenir au même endroit Pourquoi alors reprendre ces minuscules scrupules Plus de souci, plus de contraintes ni de rancune Une fois dégagée du fardeau du passé Ta liberté est au bout des ailes Tu voltiges, tourbillonnes à ton gré Un piqué et un rase-mottes ensuite Et cette terre si lourde autrefois Commence à balancer avec toi Tantôt ondule comme une nappe Tantôt se dresse comme une muraille La perspective, obsession illusoire jamais aboutie, ainsi disparue Tant de merveilles successivement inattendues Brouillard ou nuage Tu traverses d'un large trait Et recueilles la lueur et l'aurore Tout en survolant les montagnes mouvantes Puis un lac tournant miraculeusement C'est ainsi que ton esprit circule Entre le désert et la mer, à la jonction du jour et de la nuit Tandis qu'un œil immense te conduit vers l'inconnu Et tu es un oiseau D'avoir eu une fois un tel regard Tu t'immerges aussitôt dans la méditation Révélée par une métaphysique de la vision Effacée de tout trouble creusé par les mots Si épurée et limpide que même la distance du proche au lointain s'est fondue dans l'infini Ce qui est flou, difficile à percevoir Ce que tu as envie de voir sans oser l'imaginer D'un coup, tu y accéderas Dans une luminosité éblouissante Le vide, autant que la plénitude Fait s'affronter l'éternel à l'instant Une transparence du temps De certaines ombres ou fissures Surgit un vague oubli Tout cela que tu n'as jamais eu, aussi éphémère qu'imprévu Le moindre égarement te fait immédiatement perdre la vue Et tu bascules de nouveau dans la pénombre Sachant bien que tu n'es pas oiseau Ne parviens plus à te dégager de l'angoisse Qui te harcèle constamment de toute part Et le fracas de tous les jours ne t'épargne pas Une lutte inutile Tu devrais au moins trouver un havre Pour le calme de ton âme, si tu en as encore une Un espace quelque part Un univers, ni paradis ni enfer Où se pose l'apesanteur de tes sens Voilà le lieu préservé du dernier jugement Et épargné de la nouvelle utopie L'endroit que les oiseaux réservent au sacrifice Avant que la nature ne les récupère Pour qu'ils se meurent dans le silence Pourtant comment trouver cette terre immaculée Où peut-on obtenir une telle sérénité À la fin de la vie fatiguée et abîmée Et as-tu jamais vu un oiseau vieux Affaibli, lamentable ou anxieux Qui se plaint, qui pleurniche Qui trompe, qui triche Sans parler de celui qui quémande la survie Même si à l'agonie, lui, a déjà préparé son refuge Là où il attend calmement que sa vie s'en aille Ce lieu saint que tu ne trouves nulle part Que tous les oiseaux savent Après avoir joui de la pleine aisance Le moment venu, ils s'y rendent pour le dernier hommage
Ainsi ce sera le 9 février 2015 dans les derniers jours de l'année du Cheval avant celle du Mouton et de la Chèvre !
De cet horizon où je me suis réfugié et qui m'efface doucement avec le temps, je me démène démène pour revenir saluer votre venue dans le monde de toutes ces choses écrites... vous saluer et vous lire à Saïgon devenue la révolutionnaire Hô Chi Minh City... un acte d'amitié complice entre ceux comme nous qui ne sont plus attachés à rien... un acte à faire dans cette moiteur durassienne étouffante restée intacte là-bas.
Il ne nous reste des fois que des actes à faire sans que l'on sache trop pourquoi, n'est ce pas? Ainsi cet obscur souhait de lecteur avec lui même !