#431

L'orage commence à gronder. Le chien que je n'ai pas fixe la fenêtre en grognant prêt à aboyer sauvagement au moindre éclair


Récemment, toujours cette question en tête : quelle dose de réalité vais-je laisser entrer dans l'écriture ? Ce journal est une tentative de lutter contre la nature de mon propre trait qui, malgré moi, tombe toujours sous le coup de la fiction. Toute phrase sensée ramasser la réalité banale est fictive... Nombreux lecteurs m'ont demandé si les faits de mon journal étaient vrais. T. et Isabelle existent elles ? Est-ce que j'habite vraiment à Saigon ? La vue à la fenêtre est elle vraiment la mienne ? Tout serait donc personnages et décor d'une fiction de moi ?

Je crois que la fiction est une pudeur de l'intime. Et paradoxalement, ce voile pudique peut parfois mener des récits, même les plus fantastiques, à l'anonymat d'une intimité universelle. 

À travers mon expérience intérieure, les mots, bien malgré moi, ne peuvent être que masques : les mots de la parole font le masque de l'homme, ceux de l'écriture celui de l'auteur. L'homme et l'auteur m'ont toujours semblé deux entités distinctes, souvent en conflit. D'anciens proches ont souvent pensé qu'il s'agissait là d'une posture de ma part. D'autres considèrent presque cela comme une faute politique de ne pas être cohérent entre ce que l'on écrit, ce que l'on vit, ce que l'on est... Mais je ne comprends pas qu'on ne puisse pas comprendre... que l'identité d'un homme, en particulier un homme qui écrit, est multiple, toujours remise en doute. L'écriture fait vaciller l'identité, le sentiment de soi m'avait écrit Julien Boutonnier.



    parfois même la lumière du ciel est fictive






Commentaires

Brigetoun a dit…
dire que je comprends, est presque un euphémisme
Claude Enuset a dit…
Lutter contre la nature de son propre trait.
Un des enjeux de l'écriture et au quotidien s'y confronter en permanence. La lutte comme axe central.
Le fictif est peut-être le positif du réel.