#159
J'ai écrit la mort de monsieur M., je l'ai même enterré de mes propres mains. Est-ce pour autant la fin de cette histoire ? Sa mort relève d'une foi à laquelle je refuse de croire. Sa mort n'est peut-être que le commencement. Tout commencement n'est-il pas le commencement d'une fin ?
Sur ces mots, au fond de ma cellule, je me suis endormi, devenant bien malgré moi le spectateur saisi d'un rêve furieux, celui de deux anges sur un fond noir comme la nuit, hurlant et battant dans l'air la vérité encore brûlante d'une voix immortelle :
Ne vous laissez plus aller au cercueil, ne vous laissez pas mettre
dans un cercueil.
On croit qu’avec la mort c’est fini mais c’est là au
contraire que ça commence. Refusez à tout prix par tous les moyens
à toute force de devenir un jour enterrés, d’être le corps d’un
prédestiné enterré.
La mort est comme le reste un envoûtement. Qu’est-ce qu’un
envoûtement ?
Une prière,
un mamtram dans les canaux de l’air qui recharge les canaux
de l’air,
habitacle sans habitacle l’air est plein de mamtram
qui le modèle depuis l’opacité du temps, la mort comme le
reste n’est qu’une poudre de perlimpinpin,
une attrape pour les gogos.
C’est ce qu’on apprend aux enfants qui viennent vivre et ils
voient tellement de gens y croire qu’ils y croient.
Ceux qui ont repris conscience d’eux et ont voulu lutter contre
le fait ne sont pas morts, ils ont été assassinés, rien comme un
suicidé pendu entre autres pour être un authentique assassiné.
Détachez-vous de cette prédestination qui marque le corps de
tout homme né, on ne meurt que parce qu’on se croit mortel, parce
que les institutions faites par les hommes ont fait croire aux hommes qu’ils étaient mortels.
[…]
J’ai été victime d’un crime social où tout le monde a peu
ou prou trempé le doigt ou mettons, le cil d’une paupière.
Antonin Artaud (dit par Ly Thanh Tien, battu par Didier Lasserre)
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