tu casa no es el mundo Roque
tu casa no es el mundo Roque
dans la basse brume tout se mélange azul negro rojo ocre
elle pousse la table ronde contre le mur les chaises - elle laisse la fenêtre ouverte
le feu claque le feu s'enfonce le feu traverse tout le corps l'intérieur du corps la pièce tout l'intérieur de la pièce la maison tout l'intérieur de la maison - et autour l'abandon abyssal - plus loin le silence - plus loin une forme d'oiseau
ton prénom est une armure - Roque - une danse de corps brûlé
il n'y a pas d'atelier - la
cuisine avec son sol dallé fait office d'atelier - elle dépose le
papier cartonné les pigments la gouache le white spirit de vieux
chiffons et des pointes plus ou moins fines
le cri s'arrête
el sol arde el rostro arde la mano arde el cuerpo arde la casa arde el arbol arde la silla arde la nuca arde la cadera arde la sombra arde el ojo arde la lengua arde la voz arde el grito arde la cama arde el vestido arde el vencido arde el fuego arde su nombre de pila
elle cherche avec des pigments noir et bleu et du white spirit une forme de nuit opaque - avec des mouvements vifs élancés brisés repris dénoués - elle avance dans l'espace dans sa profondeur - elle ajoute des pigments - parfois la nuit opaque s'éclaircit par le white spirit - elle attend
extirer extrahir extaller -
aucun mot ne vient - elle ne sait pas comment dire
elle cherche la place du visage - elle ne sait pas quelle dimension quelle place donnée au corps au visage
le feu est un bourreau affable - Roque Roque querido Roque quien te llamas Roque tu casa no es el mundo - Roque para vivir te falta el fuego solamente el fuego - Roque Roque qui t'appelle Roque ta maison n'est pas le monde Roque pour vivre il te faut le feu seulement le feu
Roque accepte le baiser du feu - le feu est une échelle acérée - le feu est fou le feu a perdu la tête
le feu l'enferme le feu l'aveugle
elle amplifie son mouvement le mouvement pour faire apparaître le visage – comme une apparition dans une zone d'ombre
longtemps le feu éclaire le corps la pièce la maison - et autour - tout autour
ce feu baise tes pieds
ce feu baise ta main
ce feu borde tes yeux
ce feu avale tes yeux
ce feu borde ton corps
ce feu avale ton corps
dans la nuit opaque elle accentue le contour de la forme avec une pointe fine- le visage le corps apparaissent – dans un mouvement dansé
Roque le grand bruit - le grand
bruit du visage le grand bruit du corps brûlé - le grand bruit de
la vida obscura
le cri s'arrête – la main
continue le cri
maintenant le corps se fige dans
le rouge - elle attend - les pigments mélangés au white spirit
sèchent vite
elle tente de construire quelque
chose - quelque chose doit apparaître - là - sous le silence des
traces noires - dans la matière opaque - le corps doit apparaître
quelque part - le corps doit trouver sa place - son apparition
une nuit opaque
un carré noir
vers le bas
un corps
une forme de
corps rouge
elle se déplace autour du grand carton – il n'y a pas d'histoire de récit à raconter – il n'y a pas de date de lieu précis – il y a plusieurs questions – à quoi ressemble la limite l'extrême limite d'une incarnation – comment on peint la force du feu – comment on peint l'incandescence d 'un corps
el sol arde el rostro arde la mano
arde el cuerpo arde la casa arde el arbol arde la silla arde la nuca
arde la cadera arde la sombra arde el ojo arde la lengua arde la voz
arde el grito arde la cama arde el vestido arde el vencido arde el
fuego arde su nombre de pila
le feu s'étend horizontal et
vertical dans toute la pièce - le feu couvre le corps le feu
vrille le cœur la peau les os le feu se déplace s'élève - le
feu courbe la maison
et autour tout est vivant l'eau
sous la terre l'insecte sur l'écorce le vent sur l'arbre l'ombre sur
le mur le soleil sur le fruit la peur sur l'enfant le sang sur la
pierre le pied nu sous la neige le cri – le cri sur l'immensité du
silence
tu casa no es el mundo - Roque -
ana nb
Pour ma troisième participation aux vases communicants, c'est un
immense honneur pour moi d'accueillir un texte de ana nb (@anaN2B sur
twitter). J'ai toujours lu à voix haute sa voix – une voix cinquante voix cinquante mille voix cinq cents mille voix du désordre si singulières si
éloignées de la mienne mais pourtant toujours étrangement familières avec le silence de mes nuits –
la musicalité de son écriture dont chaque bouffée semble toujours
sans commencement ni fin, incessant mouvement de vagues parlant leur propre langue au cœur d'une nuit opaque... et vide
Comment évoquer son travail sans l'abîmer d'un babillage inutile ?
Je vous invite donc à la découvrir de votre propre intimité en prenant le chemin de ses effacements ou de son jardinsauvage, deux expériences d'écriture souvent traversées par ses peintures et des photos. Vous pouvez aussi lire et relire Le plancher de sable sur nerval.fr
Pour ce vase, nous sommes tout d'abord parti d'une phrase d'Eschyle cité par Francis Bacon. Le travail a ensuite suivi son propre chemin suite à nos échos, échanges qui furent pour ma part très enrichissants, pleins de forces d'ouvertures, d'une écoute toujours attentive et généreuse.
Grand merci Ana.
(mon texte chez elle ici)
Comment évoquer son travail sans l'abîmer d'un babillage inutile ?
Je vous invite donc à la découvrir de votre propre intimité en prenant le chemin de ses effacements ou de son jardinsauvage, deux expériences d'écriture souvent traversées par ses peintures et des photos. Vous pouvez aussi lire et relire Le plancher de sable sur nerval.fr
Pour ce vase, nous sommes tout d'abord parti d'une phrase d'Eschyle cité par Francis Bacon. Le travail a ensuite suivi son propre chemin suite à nos échos, échanges qui furent pour ma part très enrichissants, pleins de forces d'ouvertures, d'une écoute toujours attentive et généreuse.
Grand merci Ana.
(mon texte chez elle ici)
La liste complète des participants aux échanges est établie par Brigitte Célérier. (grand merci!)
François Bon Tiers Livre et Jérôme Denis Scriptopolis sont à l’initiative d’un projet de vases communicants: Le premier vendredi du mois, chacun écrit sur le blog d’un autre, à charge à chacun de préparer les mariages, les échanges, les invitations. Circulation horizontale pour produire des liens autrement… Ne pas écrire pour, mais écrire chez l’autre.
Commentaires
Impressionnant comme la vision naît du texte, comme le texte se fait scène, délimite le temps et l'espace d'une (re)présentation.