#101
Chaque
nuit, vers trois heures d'un matin blême, le désir d'une confidence
vient réveiller monsieur M.. Mais il ne sait quoi confier, l'oubli
ayant presque tout emporté, le récit de l’événement, les dates,
les noms, les mots pour le raconter.
Seule l'angoisse a
survécu. Elle a mûri puis pourri en lui comme un fruit abandonné
au bord d'une table. Entièrement à sa merci, il a depuis longtemps
renoncé à l'idée même de lutter. Elle règne sur lui corps et
âmes. Le lâche se laisse marcher dessus, tête basse, regard fixé
sur ses pieds, submergé de honte et de bave, fesses nues, à genoux,
plié en deux comme une lettre adressée à son orgueil blessé...
Monsieur M. aimerait
tant cracher le sel du pitoyable sanglot enfoncé dans sa gorge,
hurler ce qui dans son ventre est aussi vivant qu'une trahison, lui
dont la voix reste cloîtrée au fond de son lit chaque nuit que
l'absence de Dieu fait. Mais jamais il ne trouve en lui le souffle
suffisant pour gémir d'effroi, ne sachant de quel mal il est habité.
De ce souvenir
inconnu reste tout de même une cicatrice lui évoquant vaguement un vieux couteau sous la gorge de l'enfant qu'il
était.
J'écris :
la
mémoire de la peau
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