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Il se souvient mais il ne sait plus d'où, il ne sait plus quoi, s'il
s'agit là d'un événement vécu ou d'un rêve oublié jusque-là,
qui à présent lui revient, par bribes et débris à reconstruire
dans un temps et un espace qui n'est plus le sien.
Il était je, il, elle, eux, nous, vous, il était tous les
personnages de son rêve, il était son labyrinthe de rues
flottantes, de couloirs d'immeubles à milles étages, ses fenêtres
ouvertes où désirer s'envoler, ses portes fermées à double tour
où regarder par le judas des secrets lourds, des trahisons les plus
fidèles, d'ignobles révélations...
Il
était sa fuite, sa course à bout de souffle, le goudron bouillant
de sa route sur laquelle chacun de ses pas prit feu, il était son
fleuve et sa peur de se noyer, son parc sombre et déserté, son
arbre abattu par la foudre d'un orage d'été, il était le ciel
menaçant, l'absence du chant des oiseaux, la plainte aboyée d'un chien battu, il était son regard sur
le sol, ce mégot de cigarette ou petit bout de papier froissé dans
un coin, probable message égaré par son messager...
Il était tout de son rêve, tout dans le moindre détail, tout, sauf
celui qui rêvait.
Il était un récit
sans narrateur, sans lecteur, un récit seul qui avançait, qui
n'avait pas besoin de début ni de fin pour se raconter.
Alors quand au petit
matin, un bruit ou une odeur alentour pénètre dans son rêve pour
le polluer, il essaie tant bien que mal d'ignorer la chose,
de préserver la fatigue qu'il lui reste, luttant contre la volonté
de sa conscience, refusant le réveil, ramassant toutes les forces de
son sommeil pour s'y soumettre encore un peu.
Même le pire des
rêves vaut la peine de ne pas se lever.
il ouvre les yeux
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