peur échouée
–
maintenant
je pars – je pars, j’ai un peu peur mais je ne peux pas dire de
quoi, pas encore, et en tout cas pas à voix haute, quand tu me liras
je saurais si j’avais des raisons de craindre, je pars maintenant,
ces jours qui communiquent, le fil je tire, et ces destinations,
éteintes ou allumées, les prendre et c’est partir aussi – je
pars je ne t’ai pas rencontré, pas encore, il y a l’homme et les
fenêtres, de petites barrières invisibles, je me hisse par-dessus
pour mieux voir, mais ce sont elles que je regarde derrière les
troncs – la femme sous son chapeau et l’autre femme si gracieuse,
tellement gracieuse et l’autre, son sourire, une éclaircie là où
je pars, il y aurait des éclaircies, il y a des mains, beaucoup de
mains et elles ont toutes des doigts brillants, l’eau qui ruisselle
– la longue rive, rive longue ponctuée de femmes et d’hommes
qui examinent l’horizon, comme des apparitions, des jouets
d’enfants qui se balancent sous les rétroviseurs, et des fusées,
des bassines colorées, des sacs alignés de graines brunes de
safran, de terre meuble, de soleil, ce qui se donne lorsqu’on part,
je pars – tant pis si la douleur persiste, douleur tais-toi –
c’est dans le ciel comme des apparitions de plantes, plantes de
fer, plantes solides, et si petites quand on s’éloigne, tout est
si petit et si loin, je pars d’ici aussi, je pars de moi, pars de
chez moi, j’arrive – j’arrive quand dans la nuit les phares se
posent, il y a tant de chemins mon capitaine qu’on pourrait oublier
toutes ces raisons de craindre, c’est maintenant, ou hier, ou
demain, ou peu importe, une maison levée et le grand ciel troue ses
fenêtres, ici –
Christine Jeanney
Pour
ma première participation aux vases communicants, je suis très
heureux et fier d'accueillir Christine Jeanney (@cjeanney sur twitter) dont
j'admire le travail quotidien sur son site Tentatives.
Ici son texte traverse le tunnel d'une étrange peur, d'une douleur qui m'a immédiatement saisi. Je tiens également à la remercier chaleureusement pour les échanges (si agréables) autour de notre vase.
Ici son texte traverse le tunnel d'une étrange peur, d'une douleur qui m'a immédiatement saisi. Je tiens également à la remercier chaleureusement pour les échanges (si agréables) autour de notre vase.
La liste
complète des participants aux échanges est établie par Brigitte
Célérier. (grand merci!)
François
Bon
Tiers
Livre
et Jérôme
Denis
Scriptopolis
sont à l’initiative d’un projet de vases
communicants:
Le premier vendredi du mois, chacun écrit sur le blog d’un autre,
à charge à chacun de préparer les mariages, les échanges, les
invitations. Circulation horizontale pour produire des liens
autrement… Ne pas écrire pour, mais écrire chez l’autre.
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