#66
Il est certain que
monsieur M. était moins méprisable auparavant. Ce n’est pas qu'il
ait changé, bien au contraire. Il est resté identique à lui-même.
Je lutte contre mon dédain, je tente de bon cœur de préserver le
peu d'affection qu'il me reste, je bois, je fume, ne dis pas un mot et
puis, une fois seul, dans l'après coup du désastre d'une soirée en
sa compagnie, je suis rongé par le remords de lui avoir tu mon
mépris. Je m’abstiendrai ici de lui jeter la pierre, d'en faire le
bouc-émissaire de mon humeur envenimée mais c’est simplement
qu’avec les années, il s'est en quelque sorte épanoui dans ce que
j’ai toujours haï en lui. L’exaltation des premières rencontres
prend une toute autre tournure une fois périmée. La bouche jadis
pleine de connivences masturbatoires garde, avec l’habitude, un
arrière-goût désagréable, celui de la semence stérile et sèche
du passé, passé dont je force encore la nostalgie pour vainement
tenter de le supporter aujourd'hui.
J'écris : désirer rompre avec monsieur M.
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