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Qui témoigne de
toutes ces secondes éprouvées au plus profond de sa chair, chères
foutues secondes marquant sa peau et sa pensée, cœur de l'existence
passant à son poignet, regard sur le fil d'une voix qui sans jamais
s'arrêter mue jusqu'à son extinction, son dernier souffle...
du pré-babillage au
premier papa, de sa première phrase formulée à ses plus
navrants et longs discours, l'étranger n'a finalement rien appris
d'autre qu'à coller des interjections les unes avec les autres, qui
mises bout à bout sont devenues avec le temps des gros et petits
mots censés faciliter l'expression et qui pourtant lui semblent dans
le désordre quand, comme aujourd'hui, il tente de s'exprimer devant
vous.
Comme si sa langue n'avait plus de logique, plus de
fonction, plus de règles, comme si ces mots
sortaient de sa bouche sans ponctuation pour formuler une seule et
même phrase interminable et incompréhensible... La grammaire finit
par violer sauvagement ses propres lois, la concordance des temps
morcelée dans sa mémoire qui se souvient au présent, à
l'imparfait, au futur, au passé supposé. Sa pensée n'a plus d'âge,
plus de nom, plus de pays, elle n'est qu'un souffle, un oubli, une
succession de secondes identiques et si brèves qu'elles lui donnent
à peine le temps de reprendre sa respiration avant de continuer à
vous dire, à vous dire quoi au juste?
j'écris : les
secondes suicidées
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