#185
La parole délirante de cet homme était
déchainée, comme enfin libérée d'une atroce et longue abstinence,
la torture d'un silence qui avait dû finir par l'envennimer.
Il s'adressait à ce Mathias comme
un affamé se jette sur un bout de pain avant de s'étouffer. Le courant de sa voix semblait
sortir tout droit de son estomac au fond duquel son ressentiment claquait comme un drapeau dans la tempête. L'électricité de la
voix s'est ensuite propagée de la tête aux bras puis aux jambes soudain habités de gestes
brusques, de coups de poings et de pieds qu'il donnait dans la porte
derrière laquelle l'absence de Mathias le hantait.
L'air était étouffant, moite comme la
peau de l'homme humilié qui venait malgré lui, dans une ivresse
nerveuse, de se mettre à nu. Il le savait. Il avait franchi la limite qu'il redoutait, celle au delà de laquelle se repentir est aussi ridicule qu'inutile. C'était bien trop tard. Les mots étaient dits. Les coups déjà portés. Il n'avait pas fini de le regretter lui qui n'est jamais à la hauteur de ses remords...
Il reprenait peu à peu ses esprits, et c'est avec dans la
bouche le goût amer de sa colère froide et injustifiée qu'il s'est relevé sans un
mot, s'essuyant de la manche la morve et les larmes qui lui restaient sur le visage avant de partir discrètement, la tête basse
et la pensée vaincue par son tourment.
Peut-être avait-il enfin compris qu'il
n'y avait et n'aurait jamais personne pour lui pardonner derrière cette porte
condamnée.
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