#551
siestes partout à toute heure sur le trottoir la ville rêve de rizières s’assoupit nez sous le livre ouvert elle s’endort épuisée sein à l’air, à côté du bébé repu, son front transpire, ses cheveux bouclés sont trempés, la marque du crâne en sueur sur le lit, l'auréole ombrée, l'eau, la vie qui naît chaque seconde sous mon nez, la vie crevée d'ennui en équilibre sur la mob’, entends—la ronfler bouche ouverte après le déjeuner sa casquette posée sur les yeux lovés dans l’écorce elle finit sa nuit sous l’arbre 186 ses pieds dépassent de la vitre visage dans l’ombre sous le masque… la ville se protège des virus, des émanations maléfiques qu’elle recrache, tousse, pisse, chie par le pot d’échappement, par le poumon malade, cancer qu’on devine à la voix nasillarde, presque mécanique, on entend plus de ton, le corps comme un rouage qui parle, un regard qui s’entretient avec la pluie, celle qui dure, qui durera peut être jusqu’à demain matin, la pluie qui arrête l’errance pour un long moment, la pluie qui crée nos adresses, nos refuges en plein centre, un comptoir simple, une infusion de fleurs de pamplemousse, le nez bouché, l’haleine sèche de l’herbe kaki, c’est l’heure de la sieste mais je ne suis pas assoupi, malgré l’immense fatigue, le corps qui suit de moins en moins, mes nuits sont devenues des siestes. L’aube ne recommence rien, elle ne fait qu’illuminer l’échec de ma nuit. Depuis que j’écris au présent, le temps ne passe plus. Je suis une succession de secondes suicidées. J’ai 35 ans. Regarde mon visage…
…la montre est arrêtée depuis longtemps. C’est à 6 heures 26 que le temps a cessé de me passer dessus, un jour, je me souviens maintenant, c’était en début de soirée. J’étais arrêté devant le portail clos d’un temple lumineux. Il venait de pleuvoir. À travers les ornements du portail, un visage a surgi : il priait les yeux ouverts. J’ai pris mon appareil. Les aiguilles du cadran se sont figées quand il a croisé mon regard dans l’objectif. Je n’ai pas retiré la montre de mon poignet depuis. Dans un lieu sombre en moi luit ce lieu blanc et bleu, en moi demeure son obscurité éblouissante. Dans le noir sa lamentation m'illumine. Elle pèse sur le coeur depuis les toutes premières secondes... jusqu'aux dernières, derrière ce portail, le sacré phosphorescent en fond, qui fait briller la phrase comme un bling bling autour du cou. L'écriture est bien plus nue que dieu... le mot est lancé, je suis croyant en cet instant même je sens la présence de dieu je tremble des lèvres claque des dents sous le casque je tremble du coeur, l'angoisse est irrespirable, elle me secoue la carcasse, il ne se passe pourtant absolument rien. Rien ? Pas rien non, reste un arrière goût de jugement à donner, de choix à prendre, la voix tremble aussi, elle ne sait plus de quel côté balancer, elle avance lentement, entre désir de vertige et peur de tomber, mon écriture est constament en équilibre, sous le regard de dieu, il tremble aussi. Me regarder sur le fil le divertit, il s'en frotte compulsivement les orteils. Ce n'est pas drôle ce qui se passe là, dans l'écriture, ce point de non retour dans la phrase qui coule coule coule.... c'est tragique. C'est un drame... et pourtant, pas tant que ça. Des mots de si peu de choses.
je ne fais plus semblant, je ne suis plus posture. Je suis devenu le masque même. Il n’y a jamais eu personne derrière. J’assume mon absence. Chaque phrase me consume un peu plus dans la ville…
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pourquoi désormais les majuscules me gènent ?
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