#490


Réveillé deux fois dans la nuit par des pleurs et du vomi. Dormi une poignée d'heures. Je suis l'oubli d'un rêve meurtri sur deux jambes lourdes. Le soleil sur le fleuve me réconcilie avec je ne sais quoi (trop fatigué pour chercher le mot). La nature apaise la mienne. Le cours de français : succession de dates, de phrases redondantes au passé composé, à l'imparfait. Les élèves ne semblent pas s'ennuyer. Je me vide des coquillages ingurgités dans la nuit d'un trottoir, hier soir, avec T. et l'homme au béret. Tous trois discutés des heures de choses sérieuses. le ton n'était pas grave, parfois même joyeux. Rares moments de paix intérieure face aux êtres aimés. 


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Wild Boar, encore, parce-que malté, chocolaté et pas trop complexe pour mon palais, besoin de simplicité et de force aujourd'hui. J'ai l'espoir que quelques tasses me revigorent. Après deux gorgées le thé noir me réussit. Dehors, raison aux lèvres,  je m'éteins peu à peu sous le ciel bleu été. Je n'ai aucun souvenir de l'hiver étranger. De lui rien ne me manque. Ni le froid ni les gants. J'écris la plupart du temps en chemise et pantalon léger. À mains nues. Elles sont fines. les deux index tordus. Surtout le gauche. Si je pointe du doigt une direction, je condamne celui que je guide à dévier et faire fausse route. Peut être pour cette raison que l'écriture passe toujours à côté du chemin initial. Je commence une phrase et quelques lignes plus tard, j'échoue nulle part, dans la marge, sur le bas côté de la pensée. 


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Une vue est inépuisable. Je peux passer des années devant une fenêtre sans jamais voir la même chose. Certes il y a des repères architecturaux, des façades, des toits, des murs qu'on reconnait. Mais même le connu, si on s'attarde un peu dessus, est mouvant. Il y a toujours des fissures, des failles, des façons dont la lumière se pose sur les choses, qui renouvelle l'habitude. Un des tags juste en face par exemple, je n'avais pas encore remarqué la façon dont le trait de peinture avait coulé, on dirait les poils d'une lettre. Et puis les passants, le grondement des voitures et motos qui s'arrêtent au feu et repartent, chaque fois différent, dans leur posture, leur façon d'attendre... mais je m'habitue aussi à la différence. La continuité de son flux peut étouffer dans la masse toute apparition. Surtout les jours de grande fatigue, comme aujourd'hui, où l'attention est faible.


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Moi qui pensais avoir à jamais raté l'occasion de photographier l'homme qui souffle du nez des airs de flûte au feu rouge, et la main tendue de sa mère, voilà qu'ils apparaissent, juste là, à la fenêtre du taxi. Hasard chanceux, hallucination ou signe d'amitié de la ville à l'égard de mon écriture ?


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   racines de l'arbre
   où l'homme sans passé 
   s'assoit et fume
   face à la ville
   vide



Commentaires

fbon a dit…
on lit à grandes lampées, c'est rugueux, on s'y retrouve