#171
Monsieur M. prit ma parole pour ne plus la laisser s'échapper :
— Vous êtes votre propre gardien, votre propre crime, votre propre juge, votre propre bourreau, votre propre martyr, votre propre prison, votre propre autodafé... Vous êtes tout de ce livre, tout, sauf celui qui l'écrit. Vous ne faites qu'écrire que vous l'écrivez. Mais la vérité est que vous n'écrivez rien. C'est moi qui ai le crayon en main. Personne d'autre que moi.
— ...
— Vous qui m'appréhendez comme une énigme, je suis bien plus lisible que vous ne le pensez, d'une transparence qui devrez vous faire honte, vous qui êtes si pudique, pudeur qui n'est qu'un prétexte pour vous vautrer dans votre lâcheté. Aujourd'hui, il est temps de démasquer les miroirs que vous ne cessez de faire mentir.
— ...
— Regardez ! Ne baissez pas les yeux ! Au contraire ! Il est temps de lutter contre votre regard qui n'est rien d'autre que le mien. Regardez bien ! Je vous ressemble parfaitement, au delà du visage, des traits, ne reconnaissez-vous pas dans le reflet que j'incarne votre propre pensée, celle du silence qui vous habite, qui vous retient, qui ne cesse de vous faire taire vous qui avait tant besoin de hurler ?
— ...
— Voilà. C'est bien. Ouvrez les yeux. Même un peu. Regardez. C'est votre visage de vieil enfant qui se détourne du mien. À vous voir ainsi, on aurait presque envie de vous consoler. Mais l'âge de votre visage peut bien mentir au monde entier, sachez que je ne suis pas dupe, que je vois clairement derrière cette apparente innocence le sang que vous portez sur vos mains, ce sang noir coulant entre les lignes d'une vie d'encre et de fiction, fiction qui ne cesse de dévoiler votre véritable identité. Alors regardez-vous ! Regardez-vous comme je vous vois et dîtes enfin à haute voix qui vous êtes ! »
C'est en ravalant la vérité de mes larmes que j'ai fini par avouer :
« — Je suis monsieur M...»
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